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LA GUERRE CIVILE A FORCÉ GUOR MAKER À FUIR LE SUD DU SOUDAN QUAND IL ÉTAIT ENFANT. L’OLYMPIEN EXPLIQUE ICI LE RÔLE MAJEUR QUE LE SPORT A JOUÉ DANS LA RECONSTRUCTION DE SA VIE.AU-DELÀ DES ANNEAUXL’ESPRIT OLYMPIQUE PEUT GUÉRIR LES BLESSURES ET PROMOUVOIR LA PAIX J e suis né à Pan de Thon, un petit village reculé de l’État sud-soudanais d’Unity (aujourd’hui l’État de Ruweng). À 8 ans, à cause de la guerre civile dans le sud du pays, j’ai rejoint le nord du Soudan où j’ai vécu jusqu’en 1999. De là, j’ai fui en Égypte avec la famille de mon oncle, de nouveau du fait de la guerre civile. Deux ans plus tard, notre demande de résidence aux États-Unis a été acceptée. L’obligation de quitter mon pays m’a marqué des années durant, aussi bien négativement que positivement. La guerre a coûté la vie à 28 membres de ma famille et à des millions de Soudanais du sud. La fuite vers un lieu sûr – les États-Unis que j’appelle maintenant chez moi – m’a séparé de ma famille à un très jeune âge. La guerre m’a confisqué l’amour d’enfance que j’aurais pu partager avec ma famille, mes parents et ma communauté. Elle m’a obligé à vivre sans soutien paternel ni maternel. C’est une expérience très pénible qu’aucun enfant ni adulte ne devrait avoir à traverser. Mais fuir le Soudan m’a aussi ouvert de nouvelles opportunités que je n’aurais jamais eues là où je suis né. J’ai reçu une bonne éducation et j’ai eu la possibilité de concourir et m’entraîner en athlétisme, ce qui m’a sauvé la vie. Je suis désormais une personne complètement différente. Je suis reconnaissant envers le gouvernement et le peuple américains pour le remarquable soutien et l’amour qu’ils m’ont prodigués. Je ne pouvais souhaiter un meilleur endroit pour vivre. J’ai commencé à courir en 2002 au lycée à Concord, dans le New Hampshire. Le jour où j’ai remporté l’épreuve du 3 200 m lors des championnats nationaux d’athlétisme en salle des lycées, j’ai vu que je pouvais concourir en haut niveau si je parvenais à aller dans une université dotée de bons entraîneurs et d’un programme de course de fond de qualité. J’ai eu de la chance, j’ai reçu une bourse complète d’athlétisme et je suis entré à l’Université d’État de l’Iowa sous la direction de l’entraîneur Corey Ihmels. En 2008, les All-American honours m’ont été décernés au terme des championnats nationaux de cross NCAA, ce qui a représenté un tournant dans ma carrière d’athlétisme. Concourir aux Jeux Olympiques de Londres 2012 m’a fait énormément avancer. Et j’ai bien du mal à trouver les mots pour décrire ce moment! Le Comité International Olympique (CIO) m’a autorisé à concourir en tant qu’athlète olympique indépendant. Ceci dit bien ce dont le sport est capable. Je remercie sincèrement le CIO de m’avoir donné l’occasion de prendre part au marathon de Londres 2012 et de son aimable soutien au cours des quatre dernières années. Concourir sous les couleurs du Soudan du Sud aux Jeux Olympiques de Rio 2016 est un rêve devenu réalité et j’en suis aussi reconnaissant au CIO. J’ai eu le privilège d’honorer la mémoire de millions de vies perdues dans la lutte pour la liberté du Soudan du Sud. Sans leur sacrifice, je ne serais pas en vie. Ceci a aussi été une magnifique occasion de rendre hommage à mon père et à ma mère et aux 28 personnes de ma famille mortes durant la guerre civile. J’espère que ma participation aux Jeux aidera à apporter la paix au Soudan du Sud. Il y a quatre ans, personne n’aurait pu imaginer qu’une équipe olympique des réfugiés participerait à Rio 2016. Le fait que le CIO offre une telle possibilité à ces athlètes souligne l’esprit du sport. C’est une décision pour laquelle je suis très reconnaissant, de même que tous les réfugiés du monde. ■Guor Maker a couru le marathon aux Jeux Olympiques de Rio 2016.Ci-dessous:Guor Maker est le porte-drapeau du Soudan du Sud lors de la cérémonie d’ouverture àRio de Janeiro.24 REVUE OLYMPIQUE OPINION